Le Musée Camille Claudel de Nogent sur Seine
Entretien avec Gérard ANCELIN, créateur du Musée
Par Jean-Marie HUBERT
Pour faire suite à la brillante conférence de Gérard ANCELIN, nous avons souhaité le retrouver pour établir un compendium de son intervention à votre attention.
Gérard ANCELIN, ancien Maire de Nogent sur Seine de 1989 à 2014 et actuel Vice Président du Conseil Départemental de l’Aube a créé le Musée Camille Claudel de Nogent lors de son mandat. Des premières acquisitions aux rencontres décisives c’est indubitablement l’œuvre de sa vie. Grâce à lui, Nogent a aujourd’hui un musée unique dont le rayonnement dépasse largement nos frontières. Seul et plus grand musée dédié à Camille Claudel, il fait aussi de Nogent une capitale de la sculpture Française du XXe siècle et draine depuis un public international. Comme la Tour Eiffel ou la Philharmonie à Paris ou encore l’Opéra de Sydney, c’est aujourd’hui le symbole fort de la cité, même si, comme toujours également le projet a connu des détracteurs, souvent ceux qui ne sont pas parvenus à marquer l’histoire de leur cité. En outre, malgré cet engagement fort pour la ville, le budget fut largement excédentaire.
JMH : Merci de nous consacrer une fois de plus un peu de votre temps précieux. Dans quel contexte l’idée de ce musée a-t-elle germée dans votre esprit ?
GA : Tout d’abord un contexte économique local. Nogent sur Seine est une petite ville de 6.000 habitants mais avec une centrale nucléaire, des entreprises agro alimentaires de premier plan, une papeterie, une unité d’hydro-carburants. Donc un potentiel de moyens financiers.
Le contexte artistique local ensuite avec une lignée éminente de sculpteurs Français, dont Marius RAMUS, Paul DUBOIS, Alfred BOUCHER et Camille CLAUDEL. Nogent fut la ville de la sculpture fin XIXe, début XXe siècle.
Un musée DUBOIS BOUCHER fut d’ailleurs créé en 1902, mais ne fut que très peu connu. Alfred BOUCHER confirme le don de Camille CLAUDEL pour la sculpture, notamment le modelage à Nogent où elle avait sa maison de 1876 à 1879.
Michel BAROIN et Maurice CALMUS ont, dans les années 80 commencé à mettre à l’abri des collections de plâtres modèles. Jacques PIETTE, alors conservateur en 1978 , a grandement contribué dans cette démarche, fort de ses connaissances sur ce sujet.
Anne PINGEOT est alors une des premières à s’intéresser à la restauration progressive des plâtres.
Une belle aventure pouvait commencer pour Nogent !
En 1993, Reine-Marie PARIS, petite nièce de Camille Claudel, propose à la ville d’acheter un bronze posthume de « La valse au cabas ». Hélas c’est trop tôt, l’acquisition ne s’est pas faite, mais la graine était semée…
JMH : En effet avec deux noms de cette importance, dommage que cette acquisition n’ait pas abouti !
GA : Oui, c’est vrai, mais ce n’était que partie remise car dès lors et notamment à partir de 1995, nous avons mené une politique culturelle dynamique et le musée DUBOIS BOUCHER a connu un réel engouement tout comme les expositions temporaires qui ont suivi.
JMH : Mais vous n’en étiez pas encore à penser à un nouveau musée ? Quel fut l’élément déclencheur ?
L’élément déclencheur est sans nul doute ma rencontre avec Reine-Marie PARIS, et la découverte de sa magnifique collection Camille CLAUDEL en compagnie de Philippe PICHERY ! Nous avons été subjugués et cette fois ci bien décidés à avancer.
C’est en 2001 lors d’un vol New-York – Paris, Philippe PICHERY, alors directeur des services du Conseil Général, est assis à côté de Philippe CRESSENT, compagnon de Reine-Marie PARIS. La conversation vient sur Camille CLAUDEL et sur la collection qu’ils possèdent et qui fait de nombreuses expositions de par le monde.
Dès 2003 nous organisons une exposition temporaire à titre de test. Le résultat fut très encourageant. S’en suivit un certain nombre d’événements complémentaires : Achat de la maison CLAUDEL, achat de la brasserie BELLEVUE, création de l’association Camille CLAUDEL à Nogent.
Nous avons ensuite acheté une première œuvre « Etude pour la tête d’Hamadryade », puis une seconde « « L’implorante petite taille n°16 »
JMH : C’était le grand départ de l’aventure ?
GA : Oui et surtout en 2008, l’acquisition de la 3eœuvre, un marbre monumental « Versée et la gorgone », œuvre classée Trésor National et bénéficiant ainsi de 90 % de défiscalisation ! J’ai pu rassembler 17 mécènes (et même en refuser !) pour réaliser cette acquisition monumentale. Le 8 juillet 2008, nous accueillons à Nogent, Christine ALBANEL, Ministre de la Culture pour l’accueil officiel de l’œuvre. Le même jour, le Conseil Municipal décide l’achat des collections de Reine-Marie PARIS et Philippe CRESSENT. Les intérêts financiers, scientifiques et juridiques de la ville ont été largement préservés.
JMH : Ainsi, le Musée était devenu indispensable et votre rêve réalité ?
GA : Oui et en effet, le projet est accepté par la Direction des Musées de France et la DRAC Champagne Ardenne. Il sera par la suite remanié par Françoise MAGNY à la direction des Musées de France.
Le grand objectif était de faire de Nogent une ville d’Art et de la sculpture.
La procédure de partenariat Public – Privé a été retenue et le projet a été intégré dans le plan « Musées en Régions » suite à la venue de Frédéric MITTERRAND à Nogent. Il est intégré dans le contrat de plan Etat – Région 2007 / 2013. Il a pu ainsi bénéficier de fonds Européens, régionaux, départementaux et de l’Etat.
JMH : Votre conclusion ?
GA : 20 ans d’espoir, de déceptions, de découragements, mais à présent de satisfaction devant l’aura exceptionnelle de ce grand musée.
Merci à tous ceux qui autour de moi, m’ont fait confiance et ont permis la réalisation de cette œuvre.